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Shadow AI au travail : quand les salariés utilisent l'IA sans en informer leur hiérarchie

Jacky West / September 1, 2025

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Shadow AI au travail : quand les salariés utilisent l'IA sans en informer leur hiérarchie

L'intelligence artificielle s'est rapidement imposée comme un outil incontournable dans notre quotidien. Pourtant, son adoption en entreprise suit un chemin plus complexe et moins transparent qu'on pourrait le penser. D'après le récent baromètre HEC/Viavoice, un phénomène émerge : celui de la "shadow AI", cette utilisation non déclarée de l'intelligence artificielle par les salariés. Ce phénomène soulève des questions importantes sur l'intégration de ces technologies dans le monde professionnel et leur impact réel sur l'emploi et la créativité.

La "shadow AI" : une pratique répandue mais peu assumée

Le baromètre HEC/Viavoice révèle un écart significatif entre l'usage réel de l'IA par les salariés et la perception qu'en ont leurs managers. Selon Antonin Bergeaud, professeur d'économie à HEC et spécialiste de l'innovation, "l'utilisation de l'IA par les salariés est supérieure, en réalité, à ce que les managers estiment". Cette discrétion s'explique par plusieurs facteurs : absence de cadre clair, crainte de jugement ou simple habitude de ne pas communiquer sur ses méthodes de travail.

Ce phénomène de "shadow AI" - l'utilisation cachée d'outils d'intelligence artificielle - illustre le décalage entre l'adoption individuelle de ces technologies et leur intégration officielle dans les processus d'entreprise. Comme l'explique notre étude sur le travail 5.0 en entreprise, nous assistons à une transformation silencieuse des méthodes de travail.

Un usage différencié entre cadres et grand public

Le baromètre met en lumière une différence marquée dans l'adoption de l'IA :

  • Chez les cadres : une utilisation déjà bien ancrée dans les pratiques professionnelles
  • Dans le grand public : 60% des personnes interrogées déclarent ne jamais utiliser l'IA

Cette disparité s'explique en partie par la nature des tâches effectuées. Les cadres, souvent confrontés à des activités de rédaction, d'analyse ou de synthèse, trouvent dans l'IA un allié précieux pour gagner en productivité. À l'inverse, certains métiers plus manuels ou spécifiques offrent moins d'opportunités d'utilisation immédiate.

Catégorie Utilisation de l'IA Perception
Cadres Fréquente Outil d'amélioration de la productivité
Grand public Limitée (60% n'utilisent jamais) Technologie distante ou non pertinente

Cependant, comme le souligne notre analyse sur l'humanisation des textes générés par IA, ces outils deviennent de plus en plus accessibles et pertinents pour un large éventail de professions.

L'évolution des usages : du professionnel au personnel

Un phénomène intéressant se dessine dans l'évolution des usages de l'IA. D'après les études de la Harvard Business School citées par Antonin Bergeaud, on observe aux États-Unis un glissement de l'usage professionnel vers l'usage personnel. En l'espace d'un an, ChatGPT et ses équivalents sont passés d'outils d'aide à la rédaction à de véritables "coachs de vie" prodiguant des conseils en matière de développement personnel, de suivi médical ou sportif.

Cette évolution témoigne de la polyvalence croissante des outils d'IA générative et de leur capacité à s'adapter à des besoins variés. Elle souligne également l'importance de la formation aux techniques de prompt efficaces pour obtenir des résultats pertinents, que ce soit dans un contexte professionnel ou personnel.

Des entreprises encore hésitantes face à l'IA

Si les individus adoptent progressivement l'IA, les entreprises semblent plus réticentes à formaliser son utilisation. "La plupart des entreprises, à l'exception des plus grandes, n'ont pas encore de stratégie claire autour de l'IA", observe Antonin Bergeaud. Cette hésitation s'explique notamment par la crainte d'investir dans une technologie évoluant à un rythme effréné, potentiellement obsolète après quelques mois.

Cette prudence, bien que compréhensible, risque de creuser l'écart entre les pratiques individuelles et les politiques officielles d'entreprise. Comme le montre notre analyse sur l'IA comme vernis stratégique, certaines organisations se contentent d'une approche superficielle plutôt que d'une intégration réfléchie et structurée.

L'IA, menace pour la créativité ou levier d'amélioration ?

L'une des préoccupations majeures concernant l'IA au travail touche à son impact sur la créativité. Le baromètre HEC/Viavoice révèle que tant le grand public que les décideurs craignent que l'IA ne bride la créativité des équipes. Cette inquiétude mérite d'être nuancée selon le professeur Bergeaud.

"Tout dépend de l'usage que l'on en fait", explique-t-il. "L'intelligence artificielle, quand elle est utilisée pour enrichir un savoir-faire existant, a des effets positifs indéniables sur la créativité." La véritable menace résiderait plutôt dans une délégation totale du travail à l'IA, sans intervention humaine ni valeur ajoutée.

Pour éviter cet écueil, les entreprises doivent développer une approche équilibrée, comme celle présentée dans notre article sur les tests d'utilisabilité assistés par IA, où la technologie vient en support de l'expertise humaine sans la remplacer.

Repenser l'utilisation du temps gagné grâce à l'IA

L'un des principaux avantages de l'IA réside dans sa capacité à automatiser certaines tâches chronophages. Antonin Bergeaud suggère une approche constructive : "Ce temps gagné ne doit pas servir à augmenter la production mais à améliorer la qualité de ce qui est fait par ailleurs."

Cette vision rejoint les principes du travail augmenté, où la technologie permet aux collaborateurs de se concentrer sur des tâches à plus forte valeur ajoutée. "L'une des sources les plus communes de frustration au travail, c'est qu'on n'a souvent pas le temps de bien faire les choses. L'IA, de ce point de vue, peut constituer un puissant levier de satisfaction", ajoute-t-il.

Illustration complémentaire sur shadow AI

Impact sur l'emploi : au-delà des prophéties alarmistes

Face aux prédictions catastrophistes émanant notamment de la Silicon Valley, Antonin Bergeaud appelle à la prudence : "Il faut se méfier des prophéties sur l'IA de ceux qui produisent l'IA." Selon lui, moins de 5% des emplois seraient radicalement menacés par l'intelligence artificielle.

Cette vision rejoint les analyses de notre dossier sur l'AI Act européen, qui vise justement à encadrer le développement de l'IA pour en maximiser les bénéfices tout en limitant les risques, notamment sur l'emploi.

Le professeur rappelle que l'histoire économique montre systématiquement que l'automatisation génère des gains de productivité qui permettent aux entreprises de créer de nouveaux services ou produits, et donc de recruter davantage. "On peut avoir le sentiment que c'est un effet de deuxième ordre par rapport à la destruction immédiate des emplois. Toutes les études montrent pourtant que cette perte est plus que compensée in fine."

Le véritable enjeu : la transformation des parcours d'insertion professionnelle

Si la quantité d'emplois n'est pas directement menacée, leur nature et les parcours d'accès pourraient connaître des bouleversements majeurs. Antonin Bergeaud identifie un point de vigilance crucial : "Un emploi, c'est d'abord une succession de tâches. Certaines d'entre elles vont être assurées par l'IA, parce qu'elles sont très codifiables. D'autres, pas du tout."

Or, ces tâches standardisées sont souvent confiées aux jeunes diplômés ou aux stagiaires en début de carrière. "Pourquoi un cabinet d'avocats recrutera-t-il demain un avocat junior pour faire de la recherche de jurisprudence alors que des outils le feront plus rapidement ?" s'interroge-t-il. Cette évolution pourrait transformer radicalement les modalités d'entrée sur le marché du travail.

Comme le montre notre analyse sur les assistants d'entretien virtuels, même les processus de recrutement sont en train d'être transformés par l'IA.

Préparer l'avenir du travail avec l'IA

Face à ces transformations, plusieurs acteurs ont un rôle déterminant à jouer :

  1. Les établissements d'enseignement doivent adapter leurs formations pour préparer les étudiants à un monde professionnel où l'IA est omniprésente
  2. Les entreprises ont intérêt à développer des stratégies claires d'intégration de l'IA, plutôt que de laisser se développer des pratiques non encadrées
  3. Les salariés gagneraient à s'approprier ces outils tout en développant les compétences complémentaires qui resteront leur valeur ajoutée
  4. Les pouvoirs publics doivent accompagner cette transition, notamment pour les 5% d'emplois identifiés comme vulnérables

L'exemple de Salesforce et son approche structurée des agents IA montre qu'une intégration réfléchie de ces technologies peut créer de la valeur sans déstabiliser l'organisation.

Conclusion : vers une adoption consciente et maîtrisée de l'IA

Le phénomène de "shadow AI" révélé par le baromètre HEC/Viavoice illustre le décalage entre l'adoption individuelle de l'IA et sa formalisation dans les stratégies d'entreprise. Cette situation transitoire appelle à une réflexion approfondie sur la place de ces technologies dans notre environnement professionnel.

Plutôt que de céder aux prophéties alarmistes ou à l'enthousiasme débridé, les organisations ont tout intérêt à développer une approche équilibrée, reconnaissant à la fois le potentiel de l'IA et la nécessité de l'encadrer. L'enjeu n'est pas tant la quantité d'emplois que leur qualité et les parcours qui y mènent.

Pour les professionnels comme pour les entreprises, l'heure est venue de sortir l'IA de l'ombre pour en faire un véritable levier de transformation, utilisé de manière transparente, éthique et créative. Vous souhaitez expérimenter par vous-même? Inscrivez-vous gratuitement à Roboto pour découvrir comment l'IA peut transformer votre approche du travail et de la création de contenu.